lundi 26 avril 2010

A Nassogne - Les derniers jours

Didier de Lannoy
A Nassogne
sous-titré Presque un mois chez Gougoui Kangni
roman,
avec des personnages réels, se passant en un lieu précis, à une époque déterminée
2005-2006
Extraits

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Les derniers jours


Il ne reste plus que quelques jours avant mon retour sur terre.

Et, ainsi donc, j’ai décidé

- Mobudiééé !

dans le précédent chapitre d’arrêter ici mon roman. Et je confirme ma décision. Je ne vais quand même pas faire te chier, petite chérie, à te raconter des histoires de vol à confirmer, de comptes à effectuer …

- Aussi sympathique que je puisse être (n’est-ce pas !) et bien que mon commerce soit souvent très agréable (n’est-ce pas !) et que je ne prenne jamais, sauf quand je leur pose mes questions métaphysiques, hic, la tête aux gens (n’est-ce pas !), la visite du beau-fils à son beau-père (dès lors que le séjour du beau-fils ne pouvait être qu’« ofele » !) a quand même coûté pas mal de blé à Gougoui (le solaire qui fonctionne toute la journée pour que je puisse taper sur mon ordinateur, empêchant ainsi les batteries de recharger à suffisance et obligeant de recourir au groupe électrogène plus souvent qu’à l’habitude…) (le groupe électrogène que Gougoui est obligé de mettre en route, tous les jours, de dix-huit à vingt et une heure, même quand il n’y a pas d’ hôtes ni d’usagers, pour que mon appareil respiratoire puisse fonctionner, sans problème, sur le solaire jusqu’au matin…) sans que je lui ait jamais été d’une grande utilité (je ne sais même pas cuire un pain de céréales au feu de bois !) (ni faire « basculer » le courant du groupe au solaire ou inversement !). Et il s’agit, au minimum de lui rembourser tout ce qu’il m’a avancé et tout ce qu’il a acheté pour moi. Vos fameuses commandes, à toi et à Lianja ! C’est Gougoui et Ekoé qui ont presque tout fait à ma place ! Sans doute préféraient-ils, d’ailleurs, que je ne les « encombre » pas de ma présence…qui aurait pu faire monter les prix…

Et je ne te dirai pas non plus que je libérerai ma chambre-bureau (la chambre numéro quatre) pour laisser le rez-de-chaussée aux familles (avec plein, plein, plein, plein, plein d’enfants en bas âge) venues passer les fêtes de Nouwel à Nassogne (et qui offriront à Gougoui, et partant à son « invité », de très beaux morceaux d’un excellent porcelet au four dont la couenne sera, comme espéré, absolument fabuleuse) et que, pour « les derniers jours » de mon séjour, Gougoui m’installera dans la « suite » du gîte (à l’étage, avec chambre à lit double, salle de bain privée équipée d’un lavabo, d’une baignoire et de toilettes) (je pourrai ainsi m’égoutter la sardine autant que je voudrai, sans plus me faire contrôler par personne) (et salon particulier, immense terrasse et vue imprenable sur les premières collines du Ghana) (mais, attention, je dois m’interdire de pisser

- Mais voyons, douchka, tu as des toilettes privées, maintenant ! Ça suffit, non ? Je n’ai quand même pas épousé un chien !

sur la terrasse, Gougoui a fait installer tout un système de récupération des eaux de pluie et mon urine finirait par tomber dans la citerne). Et je t’épargnerai aussi les visites de courtoisie que, finalement, nous ne manquerons pas de rendre au préfet de l’Avé (qui nous présentera sa femme et sa petite fille de six ans) (Daniéla, une future grande joueuse de volley-ball !), au chef traditionnel du canton de Badja et au CB (tir groupé !) (si on arrive à se mettre en route… car on aura certainement des problèmes de batterie à plat ou de démarreur grippé… des galères, quoi !) (et on a choisira le début de la période des fêtes…) (et on arrosera, ainsi, aussi bien la bonne arrivée que le retour sur terre…) (coup triple !), les histoires de cadeaux à distribuer, de « carton de château » à écrire sur le mur d’honneur du gîte, de bilokos à ranger dans les valises, de pré-enregistrement des bagages, de dépassement de poids autorisé, de derniers adieux échangés, de vœux « réciproqués »

- Je pars revenir (comme on dit à Lomé) ! Botikala malamu (comme on dit à Kinshasa) ! Restez bien !

- Que la route te soit claire, papa Didier ! Bonne santé ! Happynouya !

de courrier à emporter (à remettre en mains propres !) (ou à poster…) et de coups de téléphone à donner, de promesses faites dont il n’est pas certain qu’on va pouvoir (ou qu’on n’oubliera pas de) les tenir… Je t’épargnerai tout ça…

Il puis, il faut aussi que je relise mon roman avant de te le soumettre (ouais ! j’ai écrit un roman zoba-zoba sur le château de Nassogne, ouais !) (et j’ai aussi écrit un roman

- Un roman ? Encore une histoire de cul, oui ! Plein de tics, hic ! « Le cul de ma femme mariée » était quand même moins gras, plus fin, moins lourd, plus subtil, moins épais, non ?

sur le roman que j’écrivais, le pied !) (tu veux

- Mais tu es complètement tordu, douchka !

donc dire qu’à présent, tu te permets même d’écrire

- Et tu t’imagines que tu vas trouver des lecteurs ?

un bouquin dont le sujet est le bouquin que tu écris ?), corriger l’orthographe, supprimer quelques parenthèses (et pourtant, tu sais combien je les aime mes parenthèses !) (pour jouer à cache-cache et tendre des pièges aux lecteurs ?) (pour mettre des notes en bas de page à l’intérieur des pages ?), « resserrer » les paragraphes (que les lecteurs n’aient même plus assez de place pour respirer ?), vérifier les enchaînements (et dans le zoba-zoba, les coutures, c’est important, tu sais ça !), faire gonfler la pâte .... Je n’en ai pas encore eu le temps…

- N’oublie surtout pas d’acheter de l’encre pour mon imprimante, petite chérie, que je puisse, dès mon retour sur terre, sortir un exemplaire de mon machin et le soumettre à ta censure (quelquefois je te donnerai raison) (quelquefois non !) (et je ne me laisserai pas faire !). Si tu es invitée à assister à des remises de diplômes ou de médailles à des créateurs méritants (le grand prix pictural du cochon remis à Monik Dierckx, le prix littéraire de la francité remis à Sami Tchak, Vincent Kalimassi et Kangni Alem), cela veut probablement dire, même si tu ne réponds pas toujours aux invitations de Jipéji, que tu dois avoir acquis une certaine expertise dans le domaine de la critique artistique, hic ? Et après tu me diras si tu m’aimes encore.

Voilà donc mon dernier chapitre. Et, comme tu peux t’en douter, j’ai commencé à le rédiger depuis le tout début de mon séjour, pour être sûr de ne pas le rater. Par petites touches.

- Tu vois que tu triches, douchka !

- Avec modération, petite chérie. Juste ce qu’il faut.

Pour la crise de palu, je continue à faire des efforts, je me retiens encore. J’attends d’être rentré à Ixelles-Matonge, pour que tu puisses (Anaaa !) enfin bien t’occuper de moi… Avec un dévouement qui t’honorera.

- Ça va pas, bandecon ? Je ne suis pas ton infirmière !

Comme tu vas pouvoir le lire (mais tu le sais déjà !), petite chérie, au château de Nassogne, les jours succèdent aux jours, tout arrive et rien ne se passe.

En fait, si j’avais été plus « professionnel », j’aurais terminé mon roman à la fin du vingtième jour (ou du dix-neuvième ? cette question ne sera jamais éclaircie…). Après mon voyage de retour à Kinshasa.

Ça aurait fait une belle fin, non ? Sinistre et profonde ? Pleine d’enseignements ? Lourde de symboles ? Comme une balle qu’on se tire dans la tête, non ?

Mais je n’en ai pas eu le courage. Et dès le lendemain matin, je me suis remis à trottiner, trottiner, trottiner. A pédaler dans le vide. Mais si je n’ai pas saisi cette « opportunité », c’est aussi que ma petite chérie n’aurait pas aimé ça du tout

- Et comment !

et que je ne pouvais pas jouer ce mauvais tour-là à bobonne. Et c’est également parce que je préfère les romans qui n’en sont pas et qui se terminent mollement, piteusement, honteusement… lorsque l’auteur en a marre de continuer à les écrire…

Je déteste le poisson (sauf les sardines en boîte et les pilchards) (et les petits machins fumés

- Sans arêtes !

que Gougoui achète aux alentours du port de Lomé). Mais j’aime encore plus (j’adore aussi le boudin sauf quand il pisse) (ça me fait penser alors au jus des fermiers de Nassogne, en Belgique) que mes histoires se terminent comme ça, en queue de poisson.

La tête qu’ils tirent, alors, les lecteurs ! Ils ont l’impression que je me fous de leur gueule ! Et je me fous de leur gueule, évidemment ! Je bande !

J’aime aussi les questions sans réponses. Elles sont suffisamment belles comme ça. Elles n’ont pas besoins d’être accompagnées. Comme les demoiselles, fleurant bon l’ilang-ilang, qui peuvent entrer au night-club Aquarius, sans payer, jusqu’à vingt-trois heures trente.

J’écris comme ça me plaît d’écrire, quoi ! Et pas comme les gens veulent, quoi !

- Tu causes, tu causes, tu fais le « dikke nek » mais, des lecteurs, t’en a toujours pas, douchka. Faudrait d’abord que tu te trouves un éditeur.

- Mais oui, petite chérie (salope !), mais oui… mais je n’en cherche plus.

Mais, avant de fermer mon ordinateur et de boucler mes valises, je voudrais quand même poser à Gougoui une dernière question.

- Avant que je ne parte, Gougoui, raconte-moi (comme dirait Daniel), les Yovos, qu’est-ce qu’ils ramènent avec eux, quand ils quittent Nassogne ?

- Tu as un problème avec les Yovos, toi ?

- Non, pas vraiment. Ça manque un peu de couleur, c’est tout. Ça manque de goût, de saveur. Ce sont des poulets élevés en batterie (des poulets de la N’Sele, comme on disait avant à Kinshasa ?) (ou des poulets de Satal, comme on disait avant à Lomé ?), quoi ! Et très souvent, les Yovos, ça n’a pas de viande près des os … Mais ils appartiennent à l’écosystème et il ne faut pas les détruire de façon irréfléchie. Comme toutes les espèces ils ont (probablement) leur utilité. Il n’y a (sans doute) pas d’animaux vraiment nuisibles.

Mon séjour est à présent terminé Et sois rassurée, petite chérie, je n’ai pas fait la « chose ».

- Dommage, douchka ! Ça t’aurait fait maigrir.

J’ai préféré regarder Bull et Dog s’y essayer.

Mais je dois quand même te dire, petite chérie : il est absolument impossible de suivre un régime au château de Nassogne. Si c’était vraiment ce que tu voulais, ce n’était pas là qu’il fallait m’envoyer.

Je me demande même si j’arriverai jamais à enfiler le pantalon noir (celui avec de grandes poches que toi et Alain vous m’aviez acheté à Paris) que je portais le jour de mon arrivée.

- Bandecon ! On règlera nos comptes plus tard, à Ixelles-Matonge !

Bobonne m’attend avec un pilon ?

- Mais, après tout, petite chérie, un roman écrit en vingt et un (ou vingt ?) jours, ça vaut bien quelques kilos en trop ? Ça vaut bien un gros bide, non ? On pourra toujours réduire ça après, non ?

Ou ma petite chérie me prépare-t-elle du pondu afin de me recongoliser ? Ou une boule de fufu (fait avec de la farine de blé, on ne trouve rien d’autre à Ixelles-Matonge) (sauf, très certainement, chez la Ghanéenne barbue qui tient boutique au coin de la rue du Collège et de la rue Malibran) (on devrait y amener Gougoui un jour) (et puis on s’entend bien, elle et moi) (elle ne s’appelle pas Julie mais c’est une copine quand même !) avec des sardines à l’huile « Anny » ? Le plat préféré de Kabeya à l’heure actuelle (quand on n’a plus de bonnes dents, il n’y a rien de meilleur !), non ? Celui qu’il n’a pas mangé chez Malou…

Ou un steak-frites-mayo pour me ramener (ou me réduire ?) à mes origines ?

- Tu me mets au frais un casier de grandes Jupiler, petite chérie ! J’imagine que le frigo de l’Etat fonctionne toujours à Ixelles-Matonge ?

- Et comment !

- Quelle température fait-il là-bas, petite chérie ? Moins combien ?

- Dis-moi d’abord, espèce de bandecon, combien de palmiers il a fallu abattre dans tout le canton de Badja pour que ton gros bide puisse boire son litre et demi de vin de palme, chaque soir, sur la terrasse du gîte, à l’aise, pendant presque un mois ?

Il me reste un aveu (difficile ?) à faire, avant mon retour sur terre.

- Tu sais, Gougoui, ce que je vais te laisser avant de partir ?

Gougoui se méfie.

- Dis toujours

- Une copie de mon roman, celui que j’ai écrit ici à Nassogne. Sur disquette. Mais c’est encore un brouillon. Et je dois toiletter tout ça.

- Et ça se passe où ?

- A Nassogne. Tu commençais à t’en douter, non ?

- Et comment ça s’intitule ?

- A Nassogne.

- Et quelle en est l’intrigue ?

- Il n’y en a pas.

- Mais il y a quand même des personnages ?

- Ben oui.

- Et quels sont ces personnages ?

- Le principal personnage, c’est toi. Je ne pouvais pas t’annoncer ça plus tôt sinon tout mon système tombait à l’eau (tu n’aurais plus été « toi-même », comme on dit, etc).

- Ça frôle l’escroquerie, non ?

A ma petite chérie non plus je n’ai rien dit. Ni aux enfants. Ça peut paraître déloyal mais je ne pouvais pas faire autrement. S’ils avaient su que je comptais faire « entrer » dans mon bouquin tout ce qu’ils allaient me raconter, ils auraient (Ana ?) cessé de me téléphoner, non ? Ou alors m’auraient-ils (Lianja ?) harcelé de coups de téléphone et (encore une pensée métaphysique ?) (ou pharmaceutique ou mathématique, je ne saurai jamais !), je n’aurais plus eu assez de temps pour penser à eux et leur écrire des trucs, non ?

- Et, maintenant, qu’est-ce que tu attends de moi ?

- Bon ben, quoi… Que tu lises le machin et que tu me dises ce que tu en penses (s’il y a des choses avec lesquelles tu n’es pas d’accord et que je devrais corriger, des passages à enlever, des noms à supprimer et à remplacer par des initiales ou par des noms de fantaisie…) (en général, si ce n’est pas trop méchant, les gens aiment bien qu’on parle d’eux) (c’est comme passer à la télévision) (un besoin de reconnaissance sociale, dirait Jipéji ) (même quand on écrit des conneries à leur sujet), que tu vérifies ou que tu améliores encore les recettes des « spéciales » et des « exquises » que tu m’as fait découvrir et que, si ça se trouve, tu me donnes le « bon à tirer »…

- Mais encore ?

- Tu peux aussi diffuser ça où tu veux. T’en servir comme matériel de promotion. Comme un publi-reportage, quoi ! Pas un clip, plutôt un moyen métrage. Envoyer ce machin à des « hôtes » potentiels, par exemple, qui t’interrogeraient sur la vie quotidienne à Nassogne, sur ce qu’on y mange, sur la façon dont on y occupe ses journées… Par e-mail. Comme « mode d’emploi » du gîte, quoi !…

- Ouais… Je vais réfléchir à tout ça…

Gougoui ne dit jamais non tout de suite. Ni oui. D’abord il réfléchit. Ou téléphone à Nicole… Ou fait semblant de lui avoir téléphoné… Et se réfugie ensuite derrière elle pour justifier

- C’est Madame, vous comprenez…

un avis éventuellement négatif

Je ne me laisse pas abattre et je continue d’entreprendre Gougoui. Et je lui repose la question qui me turlupine.

- Dis-moi quand même, Gougoui , avant que je ne parte, les Yovos, qu’est-ce qu’ils ramènent avec eux quand ils rentrent dans leurs clapiers à lapins et leurs trous à rat ?

- Bof, ils ramènent un peu de tout. C’est variable. Ça dépend. Des pagnes, des calebasses ghanéennes, des statuettes, des tambours (François), des haricots de toutes les couleurs (Mariki), des tableaux de John Agbe, des fruits, de la bouffe (mais maintenant il paraît que c’est contrôlé au départ), des vêtements faits sur mesure, des catapultes (Philippe)…Et toi, rappelle-moi, qu’est-ce que tu comptes rapporter à ta population ?

- Pas grand-chose, je suis plutôt du genre fauché (ah, le placard !) (la cigale n’a cependant pas à se plaindre, elle s’est bien marrée pendant tout l’été, eh !). Mais je vais essayer de ramener tout ce qu’on m’a demandé (et j’ai reçu des instructions précises d’Ana) (dès avant mon départ pour Lomé) (et complétées ensuite par téléphone) et, d’ailleurs, tu sais déjà de quoi il s’agit, c’est toi qui m’a quasiment tout trouvé : des arachides fraîches et des pas fraîches (des ngubas !), de la canne à sucre, un sachet de gari, des chaussures sénégalaises du Nigéria « à la mode d’Assahoun » (ton tchep, il est bien « à la mode de Nassogne », non ?) des insectes miniatures (je trouve qu’ ils sont plutôt grands pour des « miniatures » !), des pantalons wax, des boîtes d’antibiotiques à très large spectre (ça coûte vachement moins cher qu’à Ixelles-Matonge !), des cassettes et des CD de musique congolaise (vieille et pas vieille), des bâtonnets qu’on mâchonne entre les dents (des jaunes), une bouteille d’Awoyoo (ou de tchouk ou de deha ou de sodabi). Plus quelques cartouches de cigarettes Bond évidemment. Et des zigidas avec de grosses perles pour Gina, la coiffeuse nigériane d’Ixelles-Matonge, la copine d’Honorine (si on finit par en trouver, c’est pas gagné… peut-être qu’en dernière minute… le matin même du jour de mon départ…). Et des calendriers 2006 pour Jamal. Et des T-shirts et un collier (ou un bracelet) pour Lianja. Il y a là de quoi remplir toute une valise, non ? Et pas de quoi exciter les douaniers !

Peut-être tomberai-je à nouveau sur le douanier souriant qui m’a accueilli à l’entrée. Et qui, voyant au fond de ma valise noire une boîte à chaussures remplie de fiches griffonnées, m’avait demandé de quoi il s’agissait.

- Ce sont mes notes, je suis écrivain

- J’espère que vous n’allez pas écrire un livre sur nous !

Je lui ai répondu que non. A ce moment-là je ne savais pas encore ce que j’allais écrire ni même si j’allais être capable d’écrire.

- De toute manière, Monsieur le Douanier, je ne pouvais pas écrire du mal des gens qui m’ont reçu ou que j’ai rencontrés. Ni du pays (comment voudriez-vous que j’en écrive du mal, c’est le pays de mon beau-père, non ?) qui m’a bien accueilli. Je me suis moqué, parfois, des « picoleurs », des « affamés », des « hôtes » et des « usagers » du gîte rural de Nassogne, d’accord ! Mais c’étaient de simples taquineries, pas vraiment méchantes, non ? Et puis je n’ai pas arrêté de dire le plus grand bien des « spéciales » et des « exquises », non ? Et si mon roman peut vous paraître quelquefois un peu « leste », je vous ferai tout de même remarquer, Monsieur le Douanier qu’il est toujours resté « politiquement correct ». Oubliez-moi donc, Monsieur le Douanier ! Oubliez les réglementations qui interdisent l’exportation, en dehors de tout contrôle sanitaire, de denrées alimentaires par de simples voyageurs ! Ne saisissez pas les arachides que je ramène à ma petite chérie ! Ni les tiges de canne à sucre, ni le gari, ni les bâtonnets-brosses à-dents !

J’avais seulement le projet de retravailler quelques vieux manuscrits, de parachever mes « Contes d’apnée », de mettre en ordre mon carnet d’adresses Outlook, des trucs comme ça…

Sans doute retrouvera-t-on mon couteau d’Air France (il y a maintenant des machines de contrôle des objets métalliques très performantes à l’aéroport de Lomé, non ?) dans une des nombreuses poches de mon bagage à main.

A-t-on parfois détourné un avion avec une catapulte ?

Si jamais j’avais posé une question pareille dans un aéroport américain, je serais déjà mort ?

Et voilà. J’ai tout raconté (et j’ai tout inventé). Je n’ai rien gardé (et j’ai tout conservé).

Je me suis bien servi de l’appareil que Moura a ramené du Mexique et j’ai pressé, pressé, pressé, pressé tout le citron. Jusqu’à en extraire la dernière goutte.

- Bomba bomba ?

- Mabe !

On ne m’invitera sans doute plus jamais à passer un séjour de presque un mois, chez Gougoui Kangni, au château de Nassogne ? Sauf si je débarque sans fiches, sans feutres bleus et rouges (des souvenirs de la Régie des Bâtiments ?) (des « cadeaux » de Christine Thunissen ou

- Mais non ! Mais non ! Juste ce qu’il me reste, un an après ma mise au placard, d’un petit butin de pillard patenté des « fournitures scolaires » de l’administration publique que je m’étais, peu à peu, constitué…Surtout ne pas en parler à Dirk (il pourrait m’envoyer le Comité Supérieur de Contrôle dans les pattes, non ?) (ça existe encore ce machin-là, oui ?)…Même s’il doit bien s’en douter…Il n’est quand même pas con cet homme-là !

de Marianne Hailliez ou de Marie-Claude Wauthy ou de Sabrina Vanhenden ou de Laurent Baele ?) (ou de Jan Piro s’il est toujours affecté au Service juridique, hic ?) et sans le nouvel ordinateur acheté par Ana ?

Et quand je reviendrai, les chiens de garde (Pit, Bull et Dog) se rappelleront-ils de mon odeur (Bull et Dog, membres de la bande des agités, auront-ils fini par se trouver, sous l’œil débonnaire de Pit le philosophe… dont le palmier a été coupé et qui a déjà donné tout ce qu’il pouvait… et se seront-ils

- Encore des naissances à prévoir au château !

mis en ménage et auront-ils enfin réussi à faire la « chose ») ? Ou auront-ils reçu des instructions des seigneurs de Nassogne ? Et vont-ils faire ma fête ? Quelle fête ? La bonne ou la mauvaise ?


P.S. : N’oublie pas, petite chérie, de me rappeler de ne pas oublier de laisser mon réveil Jupiler à Mawussi (l’alanguie !). Elle me l’a demandé depuis tellement longtemps. Tu m’aimes ?