lundi 26 avril 2010

A Nassogne - Le neuvième jour

Didier de Lannoy
A Nassogne
sous-titré Presque un mois chez Gougoui Kangni
roman,
avec des personnages réels, se passant en un lieu précis, à une époque déterminée
2005-2006
Extraits

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Le neuvième jour


Cinq heures trente. Je me lève (Gougoui est déjà dans la cuisine, range un peu, prépare le café) et je me passe de l’eau sur le visage et je me rase et je me brosse les dents (et je nettoie

- Avec du dentifrice, douchka ?

mon slip de nuit) et je prends une douche et je m’habille et je me mets

- J’ai mal dormi, petite chérie. Ton histoire d’œil me tracasse.

à t’écrire.

Et c’est pour toi que j’écris. Pour toi, petite chérie. Comme toujours. Même si tu n’aimes pas ma façon d’écrire et que tu ne me lis pas…

Mais… attends-moi une seconde… le café commence à me travailler les boyaux (l’orage vient !)… je cours aux toilettes… Et je fais… un gros caca de cheval (comme disait Gauthier) ! Voilà qui ne nuira pas à mon régime ! Et je libère ainsi

- Tout le monde est gagnant !

pas mal de place pour les repas à venir !

J’écris pour tous les personnages bien réels qui se sont invités (tout se passe dans ma tête, non ?) pendant mon séjour.

- Qu’est-ce que vous avez mangé (salope !), Kabeya et toi, chez Malou et Guy, hier soir ?

J’écris particulièrement en pensant à Malou. J’écris sur Nassogne le bouquin qu’elle me reproche de ne pas avoir écrit sur Kinshasa. J’écris avec jubilation, sur Nassogne, une longue et ennuyeuse chronique, hic ! de la vie quotidienne que je n’ai jamais su ou que je me suis toujours interdit d’écrire sur Kinshasa (faute de légitimité ?) (je n’ai jamais eu les audaces de Gauthier et de Filip !) (ou la naïveté ou le culot ?).

- Et à Nassogne, tu as une légitimité quelconque, douchka ?

- Une légitimité, peut-être pas (je prends des risques !) (Kangni Alem va me tomber dessus !) (Tintin au Togo !) (depuis que le Togo est devenu un terreau d’écrivains reconnus, tous les scribouillards paumés de monde entier viennent y tremper leurs vieilles racines rouillées ?) mais une amitié, oui. Une confiance et une fidélité réciproques. Avec Gougoui. Comme avec Ya Nze au Congo. Et, de plus, à peu de mots près, nous nous exprimons de la même manière, Gougoui et moi. Lui chante (et parle) et moi j’écris (et parle), mais on s’exprime pareil.

- Gougoui parle et chante, oui. Mais son langage à lui est quand même plus châtié et moins voyou que le tien, douchka !

- Ce qui compte, c’est la complicité, petite chérie. Et, je pourrais peut-être, à présent, écrire aussi un livre sur Kinshasa… si Ya Nze acceptait de me le dicter… Ça ne donnerait pas la même chose mais ça donnerait sûrement quelque chose… Nzeza m’a appris le Congo. A le connaître (un peu) et à le respecter. Comme Gougoui m’a appris le Togo. Longuement. Avec beaucoup de patience ? Dès le premier jour de mon arrivée à Mbanza-Mboma… Mais sans doute est-ce, à présent, trop tard…

Yao-le-cuisinier est toujours (qu’il n’oublie pas de préparer du piment, le pot est presque vide !) en train de cuisiner quelque chose.

- Et comment s’est déroulé le congé ?

- J’ai été au marché. Le reste du temps, je l’ai passé à la maison.

Sa femme le tient bien.

Kudjo coupe l’herbe en dessous du filet de volley-ball. Les adjoints de Koffi (lui est parti à Lomé mais il reviendra demain)

- Quand ils auront fini leur travail, les menuisiers aussi « descendront du toit » ? Ou est-ce un privilège des seuls maçons ?

sont occupés à raboter des planches. Kossi est allé chercher du deha. Dans son champ. Yaovi tresse des corbeilles à papier. Mawassi fait la lessive. Kafui est chargée de plumer une pintade (que Gougoui amènera tout à l’heure au Quilombo). Fo Bomboma me remet les bâtonnets-brosses à dent que je lui avais demandés pour Djuna et Lianja.

- Ça vient du marché ?

Mais ce sont des bâtonnets plats. Pas ceux « avec du jaune à l’intérieur » dont Ana m’avait parlé. Les enfants

- Les enfants gâtés, oui !

ne seront pas contents ? Il faudra que j’en trouve d’autres avant de partir ? Où ça ? A Noépé ?

Les coqs coquent. Les pintades pintadent. Les chèvres chèvrent (surtout la petite et sa maman ?). Les herbes herbent. Les arbres

- Et à propos, Gougoui , le demi-arbre géant (ou plutôt l’arbre multicéphale dont il ne reste plus qu’une seule tête, une seule jambe et un seul bras), celui qui est installé dans la propriété depuis toujours (avant même tu n’y construise ton gîte), celui qui patiente à côté de l’atelier-salon de musique (dont l’ouverture est annoncée pour très bientôt), comment s’appelle-il, ce bon Dieu d’arbre-là ?

- C’est un irroco ou un iroko.

Gougoui ne sait pas précisément comment ça s’écrit

- Mais, si ça t’intéresse, j’ai un très gros dictionnaire dans ma chambre.

arbrent. Les roses rosent. Les cactus cactusent. Les lézards lézardent. Les libellules libellent. Les bourdons bourdonnent. Les papillons papillonnent. Les mouches maçonnes maçonnent. Les mantes religieuses religieusent.

- Ça va comme tu veux, douchka ? Et les canes aussi canent et les vieux vieillent et vétérans vétèrent … Tu ne rajeuniras jamais !

Eh oui !… Donc, tout va bien.

- Tu m’aimes, petite chérie ?

- Tu veux bien me lâcher les baskets ?

Une poule du vieux d’à côté me coq-coq-codaque et menace de me picorer. Ai-je pénétré dans son jardin privé et failli découvrir ses secrets ? Les poules en liberté ne rêvent que d’une chose. Etre enfermées dans l’enclos du château. Avec les poules des Maîtres… qui mangent le « son cubé » préparé par Kafui (aaah !), soit pilé (c’est plus facile pour les poules), soit mélangé à de l’eau (c’est mieux pour les canards) …et sont invitées à pondre, à pondre, à pondre, à pondre… avant d’être mangées…

- Décidément, à Nassogne, on ne parle que de bouffe !

- Tu connais ton beau-père, petite chérie.

Pit et Bull sont attachés. Dog dépose un os sur la terrasse (Gougoui ne va pas être content !) et vient près de moi, chercher une caresse, et.

- Tu veux que j’écrive quelque chose sur toi ?

se couche en dessous de mon fauteuil et (j’entends des bruits bizarres !) (des bruits de déglutition ?) dégueule ?

- Mais non, douchka. Il n’oserait jamais. C’est un chien, il gratte le sol.

- Le sol en ciment, petite chérie ? Et pourquoi donc ?

- Pour avoir plus de fraîcheur, sans doute. Je ne sais pas ce qu’il s’imagine. Il est encore un peu jeune, non ? On ne lui a pas encore appris ce que c’est que le ciment. Il lui reste beaucoup à découvrir, sans doute.

C’est mardi dernier que j’ai atterri à Lomé. Le soir. Vers vingt heures. Et je suis installé à Nassogne depuis mercredi. Le matin. Vers huit heures. Une semaine de séjour et déjà plus de quarante-cinq pages écrites. Ça marche, non ?

- Quarante-cinq pages d’images volées, oui ! Et de confidences extorquées et de petits secrets dérobés !

- Mais ça se tient quand même, non ? Tu ne trouves pas, petite chérie ?

- Escroc ! Tous les écrivains sont des voyeurs et des voleurs ! Si tu n’étais pas anar (c’est toi qui le dis mais moi je te trouve trop organisé pour être un véritable anar, tu n’improvises jamais et ça me fait souvent chier), tu aurais pu faire un très bon flic. Tu as peut-être raté ta vocation, douchka.

- Tu admettras quand même, petite chérie, qu’il faut être sacrément bien nourri pour produire autant ?

- Affameur du peuple ! Bandecon ! Azui !

Nadine me demandait hier si Ixelles-Matonge me manquait.

Le Carrefour ne me manque pas encore. Mais je suis sûr que ça ne va pas tarder... Que deviennent le Vieux Mudabi, Papa Charles Lundulla, Bob Caiembe, Aimé Bukassa, Jimmy (Mobali ya ba Mama !) et Jazz-Moro, Justin et Junior ?

Et Ma Betty (et Alonzo et Do et Yannick Nkoy) et Jackie-la-Marraine et Shango (la Casa Latina est-elle toujours fermée ?)

- Et nous, on ne te manque pas ?

- Comment non !

Sonnerie du portable. Eric. Ça fait plusieurs jours qu’il essaie de m’atteindre.

- Et la maman d’Alice, ça commence à aller mieux ?

- Ce serait une crise d’épilepsie. Il faudra la surveiller de très près. On ne pourra plus la laisser seule. Au cas où ça recommencerait.

- Et l’œil d’Ana ?

- Elle m’en a parlé hier au téléphone. Ce ne serait pas trop grave… De toute façon, je passerai rue Maes. Au plus tard ce week-end.

Avant-hier on me boudait. Ou m’avait-on complètement oublié ? Et, à présent, Ixelles-Matonge me traque ! Ana, Kabeya, Nadine, Eric. Tout ça en moins de deux jours. Sans compter les appels qui n’ont pas franchi la barre. Ça commence à graver. La Belgique et le Congo me poursuivent. Bientôt je n’aurai plus la paix.

Gougoui est à Lomé.

Yao-le-cusinier me propose ses services.

- Rôti ou pizza ?

Ça, apparemment, ce sont des plats « Blanc de Blanc »… Mais, connaissant Yao, j’ai confiance, je sais qu’il va me togoliser ces trucs-là vite fait…

Je dis rôti.

Mawussi, à son tour, vient voir quelques vieilles photos que Lianja a installées sur mon ordinateur. Je lui présente d’abord mes enfants : Nadine

- C’est l’aînée ?

- Non, c’est la deuxième. Mais mon fils, Lianja, a oublié de me mettre une photo de ma première fille, Hortense ! Ça manque…

Eric, Djuna (encore avec Difan, à la sortie du mariage d’Eric !) et Lianja (au volant de sa voiture, avec un sparadrap sur la joue). Puis tous mes kokos (Sukina, Kako, Percy, Maëlle, Tensia) (Lohile et Nyssia n’étaient pas encore nées à l’époque ?). Et les copains de Djuna et de Lianja. Gayo sur son lit d’hôpital après qu’il se soit fait pointer (du côté du métro Simonis), Léandre, Babyno, Kelo… Vieux Anselme avec sa femme et ses deux filles, Nadine (une autre Nadine !) (ainsi prénommée par référence à la mienne ?) (laquelle avait été appelée Nadine par sa mère en l’honneur d’une troisième Nadine, etc…) et Amina…Et, bien sûr, Ana, ma femme…

- Et la Congolaise ?

- Denise, ma première femme ? Je n’ai pas de photo d’elle sur mon PC. Elle vit à Bruxelles, elle s’est remariée, elle se porte bien.

Yao-le-cuisinier m’appelle.

- C’est prêt ?

- C’est prêt !

Pas de rôti mais deux omelettes ! L’une avec des œufs. Et l’autre avec des œufs aussi (et, sûrement, quelque chose d’autre en plus car elle n’a pas la même couleur et est beaucoup plus épaisse). Une omelette espagnole ?

Rôti ou pizza ? Sans doute avais-je mal entendu… Ce sont mes oreilles qui ont dû fourcher. Un des privilèges des sourds, c’est d’entendre autre chose que le commun des cons. Mais quelquefois, ça réserve des surprises.

Et l’entrée et le dessert ?

Il y a quelques jours, j’ai décidé…

- Mobudiééé !

…de ne plus te parler d’abondance des clients du gîte. Aujourd’hui, je décide

- Mobudiééé !

… de ne plus te parler des laitues et des salades de chou râpé (avec des betteraves et des carottes également râpées) (et des oignons et des concombres) (et même des morceaux d’orange) et des rillettes et des avocats et des épis de maïs (grillés ou bouillis) et des papayes (avec du citron pressé) et des mangues et des ananas.

Je ne te parle plus d’entrée et je ne te parle plus de dessert.

Ça, c’est ce qu’on appelle faire régime, non ? Tu m’aimes ?

Ah ! Enfin une véritable embrouille !

Je ne retrouve plus (Anaaa !) mes cure-dents en « plume d’autruche faites avec du plastique véritable » ! Et pourtant je les ai (au moins cinq !) placés à l’intérieur de mon portefeuille. En dessous de ma carte de réduction « famille nombreuse », n° P284305, valable jusqu’au 31 décembre 2005 (après cette date, on ne me la renouvelle plus ou je suis censé être invalide ou mort ?). Et d’un carton de l’Université Libre de Bruxelles (Test. : 23/06/00 – 864) attestant que j’ai « légué (mon) corps à l’Université (avec majuscule s’il vous plaît !) pour être utilisé au bénéfice des études et de la recherche médicales » (le cours de découpage de bidoche, quoi !). Et une carte de légitimation de délégué syndical de la Centrale Générale des Service Publics (CGSP), valable jusqu’au 31 décembre 2008 (elle ne porte pas de numéro mais elle est plastifiée et elle en jette !). Cette dernière carte, malgré ma mise au placard, je la garde précieusement. Dans le vain espoir d’impressionner, un jour ou l’autre (mais ce Grand Jour n’arrivera sans doute jamais), un camarade policier du quartier, un camarade agent de la commune, la camarade nouvelle factrice de la rue Maes ou un camarade chauffeur de Taxi-Post venu livrer un paquet à domicile.

Mes dents commençant à sentir le chou (dans la mesure où le chou peut dégager une sacrée odeur de chiottes) (mais j’adore le chou !), je crois qu’il est grand temps de prendre des dispositions d’urgence. Je récupère

- Nooon !

- Ouiii !

le vieux cure-dent que je viens de jeter (en service depuis plus d’un mois mais qui commence à puer et à s’amollir) dans le cendrier, le bac à papier ou la poubelle (je ne sais plus où !) ?

Et j’espère bien que je débecte ainsi tout le monde : Ana

- Bandecon !

Malou, Marie-José, Rachou, les enfants et même les kokos.

- Quoique, à leur âge… avoir un grand-père pipi-caca-boudin…Je n’ai pas eu cette chance, moi… J’en aurais bien rêvé…

Et que vienne, à présent, une bonne petite pluie d’après-midi et que je me tape une bonne petite sieste ?

- Bouffe, dormir !

Rien du tout. Pas de pluie. Pas de sieste.

Dix-sept heures ? Gougoui n’est pas encore renté de Lomé. Dois-je commencer à m’alarmer ? Et, dans l’affirmative, que faire. Qui appeler où ? D’abord Ekoé et Claver (à Lomé ou à Cotonou), ensuite Venance et Kinvi (à Dakar et à Abidjan) ? A quel numéro ? Puis Nicole (à Paris-Pantin) et enfin

- Toujours à t’inquiéter de tout le monde, douchka, tu m’énerves !

Ana (à Ixelles-Matonge) ? Pour leur demander quoi ?

Dix-sept heures trois minutes. Gougoui arrive. Epuisé mais satisfait. C’était « la galère » mais il a quand même pu arranger son problème de moteur. Après de longues négociations. Ardues.

- Le vendeur disait qu’il y avait « un Libanais » sur le coup !

Effectivement c’était l’heure de la prière et un homme priait sur un tapis. Devant la maison du revendeur. Etait-ce la concurrence ?

Gougoui a fini par emporter le marché. Et, tout de suite, a fait embarquer le moteur dans le coffre de sa voiture (en rabattant le siège arrière) et l’a déposé chez son garagiste.

Il me ramène deux cartouches de Bond et des journaux de Lomé.

- Tu as pu déposer la pintade au Quilombo, Gougoui ?

- Non, je ne l’ai pas fait abattre. Je lui accordé un sursis. Elle est toujours dans l’enclos.

Ainsi donc, la pintade n’a pas été pendue (par les aristocrates ou les mandarins) ou décapitée (par les jacobins, les soviets, les moudjahidines ou les gardes rouges). On ne lui a pas non plus tiré dessus avec un fusil à chevrotines pour faire croire qu’il s’agissait de viande de chasse. Et la revendre plus cher à un restaurant pour barjots.

- Ce n’est pas dans nos coutumes ! Ce ne sont pas des mœurs d’ici !

Gougoui va se reposer. Et, à peine assoupi, il est réveillé par un coup de téléphone. Pour Kudjo… Qui a déjà fini son service et est retourné à Badja…

Gougoui râle.

Comme d’habitude, la mouche d’il y a trois ans m’attend près de la petite paillote (à cause de l’ancien puits qui sert toujours de dépotoir pour les déchets non-biodégradables ?) (et aussi, quelquefois, pour des déchets biodégradables !) (car il arrive qu’on triche, eh oui !) (parce que c’est tellement plus facile de tout jeter là-dedans plutôt que de devoir creuser un trou du côté de l’ancien potager, non ?). Et comme d’habitude, elle ne me suit pas à l’intérieur de la paillote. Respect !

Kossi remplit un seau. A la pompe qui dessert les maisonnettes du personnel. Tout en haut de la propriété. Je lui dis tout le bien que je pense du deha et du maïs de son champ. Demain il m’en amènera encore.

- Mais c’est son jour de congé, douchka, tu exagères !

- Je ne pouvais pas refuser, petite chérie, c’est lui qui a proposé.

Dix-huit heures. On bascule du solaire au petit groupe (Fo Bomboma). Et je bascule du café au deha. Pas bu de bière depuis une semaine.

- Mais le deha, ce n’est sans doute pas meilleur pour le régime, douchka !

- Ne t’inquiète pas, petite chérie. Je n’en consomme qu’un litre et demi par jour (et d’ailleurs, Gougoui m’a dit que tu buvais plus que moi !) (à considérer Luz et Moura, on peut penser que c’est un truc de famille, se péter joyeusement la gueule, non ?). Et, comme tu peux le voir sur ton réveil, petite chérie, je ne bois jamais avant dix-huit heures.

Les chiens d’Ayobele

- Ayodele !

aboient. Ils sont au moins une dizaine (dont Pit garde un mauvais souvenir !) (un jour, alors qu’il divaguait dans la ferme ou dans les environs à la recherche d’une nouvelle aventure sentimentale, ils ont poursuivi Pit, l’ont attrapé et l’ont rossé) (grave !) (comme on casse la gueule à un voleur

- Les voleurs viennent toujours « d’un autre village ». Ils ne sont jamais « d’ici » ! Ils viennent forcément « de Lomé » ou « d’un village du Ghana ».

- Et qu’est-ce qu’ils volent, Gougoui ?

- Des moutons, des chèvres, des poules. Surtout en période de fêtes. Et ça se passe toujours la nuit.

- Et quand on les attrape, les voleurs ?

- Quand on les chope, on les rosse copieusement, on les attache, on les bastonne… Ils ne souhaitent qu’une chose, c’est que les gendarmes arrivent !

de poules !) (ou à un décapsuleur de filles mineures !) (ou à un détrousseur d’épouses légitimes !). Sans doute leur donne-t-on à manger, à ces féroces.

Pit et Bull tendent les oreilles. Dog aussi (pour faire comme les grands).

Un coup de tonnerre ? Un coup de fusil ?

C’est sans doute un paysan qui chasse dans les environs (la lune recommence à grossir). Portant de vieilles fringues, à moitié déchirées.

- Ce sont les Yovos qui se sapent pour aller à la chasse. Les gens de Badja, ne sont pas aussi cons !

- Et qu’est-ce qu’ils chassent ?

- Les pintades sauvages, les agoutis… Les pintades sont plus malignes que les perdrix, elles ne se laissent pas approcher facilement…

Trop bu de café ? Trop travaillé ?

Une (légère) envie de vomir… Un « écoeurement »… Des jambes flageolantes (comme si j’avais roulé toute la journée sur le VTT de Gougoui )… Fatigué… Courbatu…

- Tu penses toujours à prendre tes médicaments, douchka ?

- Non, petite chérie. Je n’ai pas le temps de m’occuper de cela.

Mais il ne faut pas que je tombe malade. Il faut que je tienne le coup.

Un bruit du côté de l’enclos. Quelque chose comme un gloussement.

- Ce sont les pintades, Gougoui ?

- Non, c’est le vieux d’à côté, il tousse. Tous les soirs, vers cette heure-ci, il tousse.